Lettre commune SAF / A3D au Batonnier de LILLE
Lille, le 11 janvier 2021
Madame le Bâtonnier,
En ce début d’année 2021, le bureau d’aide juridictionnelle a cru bon imposer de nouvelles exigences pour que soit octroyée l’aide juridictionnelle aux personnes détenues.
Alors qu’auparavant, le certificat de présence, délivré par l’établissement pénitentiaire, suffisait à l’octroi de l’aide juridictionnelle, il est désormais demandé de :
« fournir un justificatif du montant des rémunérations perçues au sein de l’établissement pénitentiaire ou un justificatif établissant que vous n’y exercez pas d’activité rémunérée »
Cette nouvelle exigence est pour le moins surprenante, tant les rémunérations des travailleurs détenus sont faibles.
Outre que la plupart des détenus n’ont pas accès au travail, ceux qui y ont accès ont une chance toute relative. En effet :
1. Les personnes détenues ne bénéficient pas d’un contrat de travail. Ainsi, l’article 717-3 du Code de procédure pénale dispose en son troisième alinéa que :
« Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail. Il peut être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l'extérieur des établissements pénitentiaires. »
2. Conformément à l’article 32 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et à l’article D432-1 du Code de procédure pénale, les taux de rémunération des travailleurs détenus sont les suivants :
- 45% du SMIC pour les personnes travaillant en production (soit 4,56 euros/heure en 2020)
- 33% du SMIC pour les personnes travaillant au service général classe I (soit 3,35 euros/heure en 2020)
- 25% du SMIC pour les personnes travaillant au service général classe II (soit 2,53 euros/heure en 2020)
- 20% du SMIC pour les personnes travaillant au service général classe III (soit 2,03 euros/heure en 2020)
3. Les barèmes de rémunérations précédemment rappelés ne sont pas toujours respectés. En effet, il n’est pas rare que les entreprises et l’administration proposent une rémunération « à la pièce », notamment aux ateliers. L’administration pénitentiaire est, à ce titre, régulièrement condamnée. Ainsi, un rapport conjoint de trois corps d’inspection (justice, affaires sociales et finances) de 2016, a constaté que le montant des sommes versées entre 2012 et fin 2015 en compensation des manques à gagner des quelques détenus qui ont osé engager des actions pouvait être estimé à 135 000 euros. Ce rapport considérait, en outre, que ces montants « ne sont pas suffisamment dissuasifs » pour inciter l’administration pénitentiaire à modifier ses pratiques.
Au vu de ces éléments, il est bien évident que les détenus, même travailleurs, ne perçoivent pas de rémunération suffisante pour que l’octroi de l’aide juridictionnelle puisse poser question.
Par ailleurs, l’expérience nous apprend qu’il est souvent difficile d’obtenir des documents de l’administration pénitentiaire.
Pour exemple, certains établissements pénitentiaires (qui ne se situent pas dans le ressort du tribunal judiciaire de Lille) refusent désormais de fournir des certificats de présence aux avocats.
Obtenir un justificatif du « montant des rémunérations perçues au sein de l’établissement pénitentiaire ou un justificatif établissant que vous n’y exercez pas d’activité rémunérée » ne sera pas chose aisée.
Cette demande de justificatif alourdit donc inutilement, et, par conséquent, freine l’accès au droit des personnes détenues, question à laquelle vous êtes nécessairement sensible.
Il nous semblait important de vous informer de cette difficulté afin que vous puissiez régler utilement ce problème avec le président du tribunal judiciaire de Lille.
Notre confrère, Quentin MYCINSKI, avocat au barreau de LILLE, membre du bureau de l’association A3D et adhérent au SAF se tient à votre disposition si vous souhaitez en discuter de vive voix.
Puisse l’année 2021 nous réserver à tous de meilleures surprises.
Nous vous prions de croire, Madame le Bâtonnier,
Vos biens dévoués,
Amélie MORINEAU
Présidente de l'Association A3D
Antoine CHAUDEY
Président de la section SAF de LILLE
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