Les situations de crise sont révélatrices du meilleur comme du pire
Face à la pandémie actuelle et aux conséquences prévisibles pour les établissements pénitentiaires et les personnes détenues, de nombreux professionnels de la Justice, magistrats, greffiers, conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, ont tout mis en œuvre pour accélérer la libération d’un certain nombre de prisonniers.
Ainsi, des juges d’instructions ont spontanément ou sur demande de leurs avocats ordonné le placement sous contrôle judiciaire de personnes dont la détention provisoire n’était pas indispensable.
Ainsi, des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation ont accéléré la mise en place de projet de sortie et ont recueilli auprès des personnes détenues, de leurs familles et de leurs avocats les garanties nécessaires.
Ainsi, des juges de l’application des peines ont pu, avec l’accord de représentants du ministère public, aménager de courtes peines d’emprisonnement ou suspendre celles de personnes atteintes d’importantes pathologies.
D’autres n’ont pas changé leurs pratiques et nous le regrettons.
D’autres ont fait pire et nous le condamnons.
A Bordeaux, le 23 mars 2020, un Procureur a cru bon de motiver des réquisitions aux fins de saisine du juge des libertés et de la détention en ces termes :
« la situation d’enfermement de l’intéressé est au contraire un moyen de le protéger de la contamination ayant conduit le gouvernement à ordonner le confinement des français chez eux, alors qu’il n’est pas signalé à la maison d’arrêt de Bordeaux Gradignan de détenu présentant le virus et que les nouveaux entrants font l’objet d’un examen médical et d’une 1ère affectation dans des cellules « nouveaux arrivants » et ce alors que le mis en examen a démontré sa capacité à ne pas respecter les règles de vie en société.
D’autres catégories de français souffrent également de restrictions de communication avec leurs proches, notamment les personnes placées en EPHAD.
Le barreau local a largement contribué à la situation actuelle de surpopulation pénale de l’établissement pénitentiaire du ressort qu’il dénonce, par la grève dure qu’il a menée depuis le début de l’année retardant le jugement au fond des personnes détenues et empêchant de ce fait les transferts habituels rapides des condamnés dans d’autres établissements pénitentiaires moins chargés ».
Ces réquisitions appellent plusieurs observations.
Alors que le Gouvernement ordonne le confinement de l’ensemble de la population afin d’éviter au maximum les interactions et ainsi ralentir la progression de la pandémie et freiner l’engorgement des services de réanimation, le fait de maintenir les personnes détenues dans des maisons d’arrêt surpeuplées représenterait une forme de protection ; sans masque ni gel hydroalcoolique en détention, il suffira sans doute aux personnels et aux personnes détenues d’éternuer dans leur coude pour lutter contre l’épidémie, alors que ces dernières sont souvent enfermés à trois dans une cellule de 9m².
Alors que la comparaison entre les établissements pénitentiaires et les établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes était déjà particulièrement malheureuse, le décès de vingt résidents d'un seul établissement pour personnes âgées des Vosges confirme cruellement les risques accrus de contamination dans les établissements collectifs.
Enfin, l'Association A3D dénonce la mise en cause du barreau bordelais dans la situation de surpopulation carcérale de la maison d'arrêt de Gradignan :
Faut-il rappeler que jamais un avocat n’a requis le placement en détention provisoire d’une personne ?
Faut-il rappeler que jamais un avocat n’a ordonné le placement ou la prolongation d’une détention provisoire ?
Faut-il rappeler que jamais un avocat n’a condamné à une peine d’emprisonnement ni incarcéré qui que ce soit ?
Faut-il surtout rappeler que la surpopulation est structurelle aux maisons d'arrêt françaises et que pour cette seule raison la Cour européenne des droits de l'homme a récemment condamné la France en ce qu'elle inflige à ceux qu'elle incarcère un traitement inhumain et dégradant ? La grève des avocats n'y est pour rien.
Ces réquisitions ne sont pas seulement outrancières, elles sont inexactes.
L’Association A3D souligne le meilleur, elle ne pouvait pas ne pas réagir au pire.
Puisse celui-ci être l’exception, au même titre que la détention.
Conditions indignes à la prison de Nanterre : bis repetita
Conditions indignes à la prison de Nanterre : pour la deuxième fois en six mois, la Justice...
Indignité des conditions de détention à la
prison de Bordeaux-Gradignan :
la justice ordonne des mesures en urgenceSaisi par l’OIP, l’Ordre des avocats du Barreaux de...
Projet de loi « pour la confiance en l’institution judiciaire »
Nos observations et recommandations concernant la détention et l’exécution des peines privatives...
Tribune : En finir avec la surpopulation carcérale
En finir avec la surpopulation carcérale : après l’espoir déçu, les citoyens appelés à se...
Proposition de loi : respect de la dignité en détention
Observations & recommandationsNos observations et recommandations concernant la proposition de...
Violences pénitentiaires : l’omerta doit prendre fin
COMMUNIQUÉ DE PRESSE COMMUN | 16 MARS 2021Le 4 janvier 2021, le directeur de l’administration...