Communiqué de presse : mettre fin aux violences pénitentiaires
Le 3 juin 2019, la section française de l’Observatoire international des prisons a publié un rapport d’enquête sur les violences commises par des agents pénitentiaires sur les personnes détenues titré « Omerta, opacité, impunité ».
Ce rapport révèle ce que l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale savent déjà par expérience, et malgré leur silence : les agents pénitentiaires auteurs de violences sont protégés par la notion floue d’un « usage strictement nécessaire de la force », par l’ignorance des victimes de leurs droits, par la passivité de leur hiérarchie et l’esprit de corps entretenu par leurs syndicats. Ils sont encouragés par le sentiment d’impunité.
Alors que le Défenseur des droits ou l’OIP reçoivent plusieurs signalements par semaine, les auteurs de ces violences ne sont que très rarement poursuivis, tant pénalement que disciplinairement, et plus encore exceptionnellement condamnés : une sanction disciplinaire seulement en 2018.
Les avocats ne peuvent que témoigner des difficultés qu’ils rencontrent au quotidien dans leur mission de conseil, d’assistance et de défense des personnes incarcérées :
L’absence de mécanisme de prévention, prompt à éviter d’éventuelles représailles contre les personnes détenues ayant déposé plainte crée dans la population pénale le sentiment qu’il vaut souvent mieux renoncer à l’exercice de ses droits pour assurer sa propre sécurité.
L’absence de crédit donné à la parole des personnes détenues et le traitement qui leur est généralement réservé dans le cadre de telles procédures achève trop souvent de les convaincre de ne pas déposer plainte, de renoncer à saisir la Justice.
L’absence de signalement de la part d’un corps professionnel pourtant tout entier soumis à l’obligation de dénoncer les infractions dont ils auraient eu connaissance ou dont ils auraient été témoin dans l’exercice de leurs fonctions témoigne de la prédominance de l’esprit de corps sur le respect des droits, et de l’intégrité physique, des personnes placées sous leur garde.
L’absence d’enquête judiciaire réalisée avec rigueur, rapidité et diligence par des services d’enquête pour lesquels ces faits ne sont jamais une priorité prive les personnes détenues d’une chance de voir leur plainte aboutir.
L’absence d’harmonisation des règles et des délais de conservation des images de vidéosurveillance ainsi que la résistance de certaines directions à les communiquer entrave durablement la défense des personnes détenues et rend presque toujours impossible de rapporter la preuve matérielle des violences survenues entre les murs.
Loin d’être épargnés par ces difficultés, les avocats se heurtent à la même inertie de l’institution judiciaire dans la défense de leurs clients : classement sans suite quasi systématique, dépôt de plainte avec constitution de partie civile retardé par l’attente de la décision de classement, déperdition des preuves...
Si tout n’est pas précisément mis en œuvre pour faire échouer les plaintes des personnes détenues que ces difficultés n’auraient pas déjà découragées, rien n’est fait pour leur faciliter l’accès à la Justice, leur garantir un traitement équitable et assurer le respect effectif de leurs droits.
Ce constat est d’autant plus alarmant que la mission assignée par la loi à la prison est non seulement d’assurer la garde des personnes incarcérées mais aussi de permettre leur amendement, leur insertion ou leur réinsertion sociale ; ces missions ne peuvent être correctement exercées si la Justice n’est pas capable d’assurer, en détention, le respect des lois dont la violation a précisément justifié les condamnations et les incarcérations de ceux qui s’y trouvent détenus.
Il appartient désormais au ministère de la Justice d’œuvrer pour que l’impunité dénoncée, l’omerta révélée soient résolument combattues, il en va de la crédibilité de la Justice et du respect de l’état de droit.
Liste des institutions, associations et syndicats signataires :
▫ Conseil National des Barreaux (CNB)
▫ Syndicat des Avocats de France (SAF)
▫ Fédération Nationale de l’Union des Jeunes Avocats (FNUJA)
▫ Association des Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D)
Liste des barreaux signataires :
▫ Barreau d’AVIGNON
▫ Barreau de BETHUNE
▫ Barreau de BORDEAUX
▫ Barreau de GRASSE
▫ Barreau de GRENOBLE
▫ Barreau de LILLE
▫ Barreau de LYON
▫ Barreau de MARSEILLE
▫ Barreau de NANTES
▫ Barreau de PARIS
▫ Barreau de POITIERS
▫ Barreau de RENNES
▫ Barreau de SAINT BRIEUC
▫ Barreau de la SEINE SAINT DENIS
▫ Barreau de TOULOUSE
▫ Barreau du VAL DE MARNE
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